Films minces laminaires

Cet axe de recherche concerne la modélisation des écoulements de films minces de liquides newtoniens en régime laminaire avec tension superficielle. Le but est d'obtenir un modèle possédant une bonne structure mathématique permettant de mettre en oeuvre des schémas numériques stables et fiables, tout en produisant des résultats précis. Les applications concernent l'optimisation des propriétés des échangeurs à plaque et film ruisselant pour les machines frigorifiques à absorption.

Les machines frigorifiques à absorption se distinguent des machines frigorifiques à compression par le remplacement du compresseur, qui nécessite un apport d’énergie électrique, par un dispositif à sorption qui fonctionne grâce à un apport de chaleur. Cette chaleur peut être fournie par énergie solaire thermique ou par récupération de rejets industriels tels que la chaleur dégagée par un moteur.

Ces dispositifs sont particulièrement adaptés à la climatisation solaire, puisque l’apport de chaleur par énergie solaire est abondant lorsque les besoins de climatiser se font sentir. Mais ils peuvent également servir de pompes à chaleur, notamment grâce à des procédés de stockage thermochimique de l’énergie solaire. L’objectif est d’appliquer ces procédées de climatisation et de chauffage pour le bâtiment mais également pour des climatisations embarquées sur automobile. Le secteur du bâtiment représente 42% de la consommation d’énergie en France. Les systèmes de climatisation des automobiles entraînent une augmentation de la consommation de l’ordre de 15% à 30%. L’utilisation de ces dispositifs, fonctionnant avec l’énergie solaire (pour le bâtiment) ou la chaleur dégagée par le moteur (automobiles), permettrait une réduction importante de la consommation d’énergie et de l’émission de polluants.

Le désorbeur ou générateur constitue le verrou technologique du dispositif. À l’heure actuelle, l’encombrement et le coût de ces générateurs sont beaucoup trop importants, ce qui entrave l’utilisation pratique de ces machines. Des expériences réalisées au LOCIE (UMR 5271, CNRS, Université Savoie Mont Blanc) mettent en évidence les faibles transferts de chaleur et de masse des absorbeurs/désorbeurs (N’Tsoukpoe et al. 2013). Il est donc crucial de développer des désorbeurs compacts et efficaces. Une alternative prometteuse aux dispositifs actuels est constituée par les échangeurs à plaques et films ruisselants. Les films liquides en écoulement sur des supports plans verticaux présentent une faible résistance aux transferts de masse et de chaleur. Ces échangeurs présentent l’avantage de pouvoir fonctionner aux très basses pressions imposées par l’utilisation de sources de chaleur de relativement basse température. Il est connu que les transferts de chaleur et de masse par des films liquides ruisselants sont intensifiés si des ondes de surface se propagent dans le film (Kalliadasis et al. 2012). L’objectif de ce programme de recherche est de contrôler la dynamique des ondes de surface du film ruisselant pour optimiser les transferts de chaleur et de masse dans le but de développer des désorbeurs compacts, peu coûteux et performants. L’analyse du phénomène à l’échelle locale, complétée par une analyse thermodynamique, permettra de passer à l’échelle supérieure du composant (upscaling) puis à l’échelle de la machine pour optimiser son fonctionnement.

La dérivation du modèle utilise une méthode asymptotique. L'équation de l'énergie devient une équation indépendante. Les modèles à deux équations, étudiés dans Richard, Gisclon, Ruyer-Quil & Vila 2019, présentent des limitations intrinsèques et chacun d'entre eux présente des inconvénients. Un premier pas en avant a été constitué par le modèle à trois équations de Richard, Ruyer-Quil & Vila 2016. La capillarité est traitée par la formulation augmentée de Noble & Vila (2014) et Bresch et al. (2016) qui permet d'écrire un schéma numérique dont on peut prouver la stabilité non-linéaire. L'optimisation de ce modèle et son extension au cas 2D sont en cours.

L'animation ci-dessous présente le développement d'une instabilité 2D dite "en fer à cheval". Il s'agit d'une simulation numérique d'une expérience de Dietze et al. (2014). Cette simulation utilise le modèle 2D que je suis en train de développer et le code numérique de Frédéric Couderc (Institut de Mathématiques de Toulouses, CNRS). La simulation est effectuée dans une boite périodique. À l'état initial, l'instabilité 1D est déjà développée. On distingue une onde principale précédée d'ondelettes capillaires. L'état initial est perturbé et l'instabilité 2D se développe jusqu'à obtenir un motif en fer à cheval précédé d'ondelettes capillaires 2D de structure complexe. Le résultat est en excellent accord avec les calculs DNS de Dietze et al. (2014).