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Accueil > Grands équipements > La plateforme tournante Coriolis > La force de Coriolis et ses plateformes

Pourquoi utiliser une plate-forme tournante de nos jours ?

Les controverses actuelles sur le changement climatique montrent bien l’importance d’assoir les sciences de l’environnement naturel sur des fondements rigoureux, partagés par l’ensemble de la communauté scientifique. L’étude par similarité en laboratoire participe à cette démarche, en parallèle avec les progrès de la théorie, de la modélisation numérique et de l’observation.

La plate-forme Coriolis permet ainsi d’étudier les effets conjoints de la rotation et de la stratification en densité, approchant les conditions de similarité dynamique avec les milieux naturels. Ses grandes dimensions (13 m de diamètre) limitent les effets de viscosité et de tension superficielle.

Bien que les processus élémentaires mis en jeux soient à priori bien connus, la modélisation des processus turbulents reste notoirement difficile, tout particulièrement en présence de stratification en densité. L’existence même de solutions des équations de Navier-Stokes et leur régularité est considéré comme l’un des sept grands problèmes ouverts des mathématiques ( ‘problèmes du millénium’) par la fondation mathématique ‘Clay’. On sait par ailleurs que la capacité prédictive de tout modèle est limitée dans le temps, quelle que soit sa précision. A l’inverse, la complexité même des systèmes turbulents peut conduire à des régimes statistiquement robustes, et éventuellement à des équilibres multiples. C’est ce qui semble se produire pour les écoulements atmosphériques ou océaniques, conduisant à des fluctuations climatiques spontanées à l’échelle décennale. La plate-forme Coriolis participe à de telles études par l’ANR STATOCEAN (2010-2012), en collaboration avec l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, le Laboratoire de Physique des Océans à Brest, et l’Institut de Physique Non-linéaire de Nice.

La plate-forme Coriolis permet ainsi de réunir mécaniciens des fluides, mathématiciens appliqués, physiciens et chercheurs en sciences de l’univers et de l’environnement. C’est souvent le cas pour les projets financés par le programme Européen (Integrated Infrastructure Initiative) Hydralab, récemment reconduit pour 2011-2015. C’est le cas également du projet d’ANR ‘OLA’ (Ocean LAyering), visant à élucider les mécanismes de dissipation d’énergie des courants océaniques et le mélange vertical associé. Ce projet, piloté par le Laboratoire de Physique des Océans à Brest, aborde cette question par des simulations numériques très intensives, sur le ‘Earth Simulator’ Japonais, par des expériences sur la plate-forme Coriolis, ainsi que sur des expériences à plus petite échelle en lien direct avec des approches théoriques (à réaliser au LADHYX et à l’IRPHE).

Ces différentes approches sont complémentaires. La résolution spatiale des simulations numériques, même les plus extrêmes, reste en deçà de ce qui peut être réalisé sur la plate-forme Coriolis, où une gamme d’échelle de 1 à 10000 mm est couramment accessible. On assiste d’ailleurs à un regain d’intérêt pour les modèles physiques en laboratoire, que ce soit au niveau des grandes installations hydrauliques, pour la modélisation de sites portuaires ou fluviaux, que pour des études plus fondamentales. Ainsi des cuves tournantes de petite dimension ont été récemment équipées à l’ENSTA et au FAST -, à Orsay. Ces installations ne permettent pas toutefois de couvrir la même gamme de paramètres que la plate-forme Coriolis.

Plus techniquement, on caractérise un système hydrodynamique par une échelle horizontale L, une échelle verticale H, une vitesse U, conduisant aux nombres sans dimension suivant :

- le nombre de Reynolds UL/ν représentant l’importance des effets de viscosité ;
- le nombre de Rossby U/(LΩ) représentant l’influence de la rotation ambiante, de vitesse angulaire Ω ;
- le nombre de Froude interne U/(LN) représentant l’influence de la stratification en densité, caractérisée par N=(gδρ/ρH)½, fréquence d’oscillation verticale de particules fluides ;
- le rapport d’aspect L/H.

Les milieux naturels (aux échelles intermédiaires, 10-100 km) sont caractérisés par des nombre de Reynolds élevés, des nombres de Rossby et de Froude petits ou de l’ordre de 1, et de grands rapports d’aspect. Pour un fluide donné, un nombre de Reynolds élevé peut être atteint en augmentant la vitesse U plutôt que la dimension L. On peut alors maintenir un nombre de Rossby petit en augmentant aussi la vitesse de rotation Ω. Mais il n’en est pas de même du nombre de Froude, la stratification N restant limitée par la physique. La même limitation s’applique à l’utilisation d’hélium à basse température, qui permet d’augmenter le nombre de Reynolds par diminution de la viscosité.

http://coriolis.legi.grenoblep.f... Courant de gravité sur une pente, modélisant la descente d’eau dense vers le fond océanique. Un grand tourbillon cohérent coexiste avec de petites structures turbulentes (largeur de la vue 4 m)

La plate-forme Coriolis est ainsi le seul équipement au monde permettant de combiner forte stratification (petit nombre de Froude) et forte rotation (petit nombre de Rossby), en offrant de plus de grands rapports d’aspects L/H . Cela permet par exemple de reproduire une couche limite turbulente de type atmosphérique ou océanique, comme dans l’ANR TRANSTEK (2010-2014), piloté par le laboratoire de Météorologie Dynamique à Paris. L’absence de frontières latérales proches permet par ailleurs d’étudier des phénomènes de propagation d’ondes, notamment dans le cadre des ANR TOPOGI 3D (2005-2009) et PIWO (2009-2011), pilotées respectivement par le LEGI et l’ENS Lyon.

Il est prévu de plus d’aborder de nouveaux phénomènes, comme le transport sédimentaire et la morphodynamique, également peu accessibles à petite échelle. Enfin l’utilisation de grandes dimensions, bien qu’elle grève le coût de l’équipement initial, est parfois un avantage pratique, permettant aux chercheurs de pénétrer eux-mêmes sur la plate-forme en rotation et d’y installer rapidement des équipements divers (lasers et sondes de mesure), sans se préoccuper des contraintes de poids et d’encombrement et des raccords avec l’extérieur.

Bien que la motivation première de cette installation soit la modélisation physique de processus géophysiques et environnementaux, les techniques et méthodes d’approches s’inscrivent dans la tradition des sciences de l’ingénieur soutenues par l’INSIS, tutelle principale du LEGI pour le CNRS. Les chercheurs travaillant sur l’installation sont d’ailleurs membre de la section 10 du CNRS. Des études de turbulence en rotation ont été réalisées dans une boucle hydraulique entièrement placée sur la plate-forme tournante, et la poursuite d’études de ce type est envisagée, en lien avec les travaux de modélisation réalisés au LEGI dans le domaine des turbomachines et des hydroliennes. Par ailleurs les dispositifs d’étude d’écoulements stratifiés stables ou convectifs s’appliquent aux problèmes de ventilation des bâtiments.